Nous vivons dans un drôle de monde où les jeux de mots sont utilisés en marketing afin, il faut bien le dire, de tromper le consommateur. La dernière affaire en date est signée par les opérateurs télécoms qui réfléchissent à la mise en place de bridages pour l’Internet à haut débit en France.
La mise en ligne, il y a quelques jours, d’un document soulignant le souhait d’une nouvelle politique des opérateurs télécoms pour l’accès à Internet, a fait grand bruit puisque le spectre d’un bridage de la bande passante est à l’horizon. Si cela est mis en place, il s’agirait d’un véritable retour en arrière pour la France. Les réactions ne se sont pas faites attendre puisqu’une association, l’AFUI, a rapidement vu le jour. Elle regroupe des internautes souhaitant défendre leur intérêt face à cette menace.
Pour les opérateurs : c’est juste une perte de temps volontaire.
Dès lors, les prises de paroles ont été nombreuses surtout du côté des fournisseurs d’accès. Ils ont souhaité rassurer leur image en répétant qu’il n’est question que d’un document de travail et qu’aucun d’entre eux ne travaillerait sur une telle chose. Quelle absurdité ! Puisque d’un côté, nous avons un document de travail et de l’autre une position ne souhaitant pas l’appliquer. Les opérateurs seraient donc en train de perdre du temps sur l’élaboration d’un nouvelle politique limitant les accès à Internet aux français que ne sera pas mise en place. Etonnant et contre-productif non ? Mais acceptons cet argument très bancal.
Arrive ensuite l’Etat au travers de l’intervention d’Éric Besson, ministre chargé de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique. Du haut des marches de nos institutions, il a souhaité souligner qu’il n’était pas question de mettre fin à l’Internet illimité, nous voilà donc rassurés.
Cependant lors d’un entretien entre l’Association française des utilisateurs d’Internet, l’AFUI, et le cabinet d’Éric Besson, le son de cloche ne semble pas être identique.
Segmentation de l’offre, mise en place de limites et de quotas ne sont pas en la défaveur de l’Etat.
« Si une segmentation était envisagée par certains opérateurs dans leurs offres, elle concernerait uniquement les très gros consommateurs (via des offres “premium”) et nullement l’utilisateur courant […]. L’internaute français, raccordé en permanence (ADSL, câble ou fibre optique) mais faisant un usage normal des services internet, ne pourrait être concerné. » nous ditons.
En clair, tout comme la téléphonie illimitée, l’abus du langage est utilisé pour tromper le consommateur peu vigilant. Nous avons un grand n’importe quoi dans l’utilisation de mots « vendeur ». L’Internet resterait donc illimité, mais seulement pour un usage normal. En clair, nous aurions un Internet illimité mais limité tout de même pour les gros consommateurs amateurs de téléchargements, qui rappelons-le, est une activité à l’origine d’Internet, nous ne parlons pas de Minitel 2.0 ici, bien que certains aimeraient son retour. Mieux encore l’appréciation de cette limite sera laissée au bon vouloir des opérateurs.
Le seul point positif relevé par l’AFUI est le souhait du gouvernement que, si ces limites sont mises en place, elles le soient clairement explicitées. « Le gouvernement fait en sorte, s’il existait des restrictions appliquées aux offres dites “illimitées”, de les faire apparaitre clairement par les opérateurs afin que le consommateur en soit parfaitement informé », souligne le cabinet d’Éric Besson.
Un nouveau concept : l’illimité restrictif soit en clair un Internet bridé.
Il est très intéressant que le discours utilise là encore les mots « Illimitées » et « restrictions » qui aux yeux du cabinet d’Eric Besson semblent compatibles… le parfait exemple de la duperie verbale. Ou alors l’invention d’un nouveau concept celui de l’illimité restrictif…
Soyons sérieux, les fournisseurs d’accès souhaitent officialiser ce qu’ils appliquent déjà en téléphonie, c’est-à-dire limiter le débit des gros utilisateurs. Il est dès lors envisageable de penser que la bande passante réservée à l’accès à certains services web comme YouTube pourra subir des restrictions.
Nous retrouvons (par le fruit de hasard ?) une idée avancée par trois opérateurs, Alcatel-Lucent, Deutsche Telekom et Vivendi, souhaitant oublier l’importance de la neutralité d’Internet. Ils souhaitent mettre en place une différenciation en matière de gestion du trafic afin d’offrir des accès aux qualités différentes. Une démarche qui est une remise en cause flagrante du principe de neutralité du réseau des réseaux.
Vive l’Internet illimité restrictif…